Depuis janvier 2025, la Police Nationale d’Haïti (PNH) enchaîne les revers face aux gangs à Kenscoff. Agents tués, véhicules blindés incendiés, postes attaqués, pertes matérielles et critiques persistantes sur la planification tactique. Au vu de ce bilan, de plus en plus, de voix s’interrogent : la PNH dispose-t-elle d’une stratégie adaptée à la menace dans cette commune montagneuse?
Le 27 janvier dernier, de violents affrontements éclatent dans plusieurs quartiers. Les échanges nourris d’armes automatiques provoquent la fermeture des écoles et paralysent la vie locale. Aucun chiffre officiel n’est communiqué, mais des ONG évoquent plusieurs dizaines de morts. Trois jours plus tard, la mairie de Kenscoff dresse un bilan provisoire d’environ une cinquantaine de morts et plus de soixante maisons incendiées, notamment à Bongars et Sourçailles.
Le 16 février, l’agent John Peter SCHNEIDER, de l’unité anti-gang, est abattu à « Kafou-Bèt». Le même jour, des images montrent deux blindés de la PNH incendiés par la coalition criminelle « Viv Ansanm ». Le 16 mars, même scénario, un blindé est immobilisé à Viard, attaqué aux cocktails Molotov et réduit en cendres.
Des pertes humaines et matérielles lourdes
Le rapport du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) du 8 avril 2025 pointe la lenteur de la réponse policière, accusant l’inaction des autorités d’avoir coûté environ 262 vies en deux mois. Le rapport reproche à la PNH de n’avoir pas pris les mesures préventives malgré les signaux d’alerte.
Dans la nuit du 11 au 12 avril, des policiers, quittant leurs positions pour se réfugier dans des maisons privées, sont attaqués. Le bilan fait état de deux blessés, un disparu, et du matériel abandonné.
En juillet, les attaques s’enchaînent où les 5 et 6 juillet dernier, le policier Olrich JOSEPH, 32 ans, membre du SWAT, succombe à ses blessures. Deux collègues blessés et un blindé détruit à Viard. Les 11 et 12 juillet, le sous-commissariat de Furcy incendié, deux policiers blessés. Sans oublier, les 24 et 25 juillet 2025, un policier de l’unité BOID tué, un autre blessé, blindé détruit à l’ancien local de la Téléco.
Le 7 août 2025, la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS) confirme la perte de deux blindés et trois blessés dans ses rangs. Le 13 août dernier, une nouvelle embuscade coûte la vie à deux policiers et en blesse trois, piégeant un blindé qui est ensuite incendié.
Des failles tactiques pointées du doigt
Selon un observateur sous couvert d’anonymat, ces revers s’expliquent par un manque d’anticipation et de surveillance en amont : « Les routes empruntées sont trop exposées, le relief est favorable aux embuscades et, souvent, il y a absence d’escortes sécurisées », dit-il.
Il rapporte également la mort de trois militaires venus en renfort, pris sous le feu alors qu’ils circulaient dans un véhicule non blindé.
Autre critique, c’est l’absence de coordination entre les unités au sol et les moyens aériens ou de surveillance : « Les blindés sont déployés sans couverture aérienne. Il n’y a pas de véritable cohésion entre la task force équipée de drones et les agents de la PNH sur le terrain », explique t-il.
Avec un tel cumul de pertes humaines et matérielles, et sans révision en profondeur des méthodes, Kenscoff pourrait devenir, selon le même observateur, « un abattoir national ». À Kenscoff, la guerre d’usure que la PNH est en train de perdre, mais le haut commandement de la PNH doit revoir sa copie et changer de stratégie, car l’efficacité de la riposte dépend de sa capacité à freiner l’expansion des gangs criminels qui étendent chaque jour davantage leur emprise sur la zone.
Juste un clin d’œil !
