Économie

Haïti-Économie: Le grand saut de la gourde, preuve de la politisation du marché des changes

Published

2 ans ago

août 28, 2022

Durant les 10 dernières années, la gourde a connu une nette dépréciation par rapport aux devises étrangères, notamment l’euro, le dollar canadien, et le billet vert. En un temps record, la devise nationale tend à se relever par rapport à ces devises, particulièrement le dollar américain.

En Haïti, depuis plusieurs jours, nous assistons à un phénomène surprenant: l’appréciation de la gourde, comme par miracle, sur le marché des changes. La devise haïtienne est passée de plus de 150 à 100 gourdes pour un dollar américain en moins d’une semaine. Ce qui n’était pas le cas durant le premier semestre de cette année où il ne se passe pas un jour sans que la gourde ne soit dépréciée par rapport au billet vert, très convoité en Haïti ces jours-ci.

La dépréciation de la monnaie haïtienne est un phénomène économique qui traîne derrière elle des conséquences négatives dans l’économie, dont l’augmentation des prix des produits de première nécessité, entrainant l’accroissement de la misère en Haïti et la hausse du prix du carburant et du taux d’inflation, entre autres. La masse monétaire, le produit intérieur brut et l’indice des prix à la consommation locale sont parmi les variables le plus souvent prises en compte par les économistes haïtiens pour expliquer la fluctuation du taux de change. Pour les spécialistes, la dépréciation de la gourde n’est pas un hasard.

La dépréciation accélérée de la gourde a connu une hausse vertigineuse du taux de change, soit plus de 50 % entre octobre 2014 et juillet 2018, selon les données publiées dans un article du quotidien Le Nouvelliste. La dernière appréciation de la gourde remonte à 2020 où on était passé de 125 à 60.5 gourdes pour un dollar américain. En septembre 2011, il fallait 40 gourdes pour un dollar et aujourd’hui il faut environ 115 gourdes pour un billet vert. A noter que le 1er janvier 2021, le taux de référence de la BRH était de 72.16 gourdes pour un dollar américain. Depuis cette baisse, la gourde n’a pas cessé de perdre en valeur, jusqu’à atteindre le pic record de 150 gourdes au cours du mois d’août 2022.

Le 22 août dernier, le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Jean Baden Dubois, a annoncé une série de mesures économiques, notamment l’injection entre 100 à 150 millions dollars avant la fin de l’exercice fiscal en cours, en vue de corriger cette situation. Du 23 au 26 août, la BRH a informé avoir fait trois injections successives pour un montant total de 27 millions de dollars dans l’économie nationale, dans le but de parvenir à une stabilité du taux de change et permettre la disponibilité du billet vert sur le marché financier. Alors que la gourde commençait à être appréciée quelques jours avant, cette décision a permis à la monnaie locale de respirer une bouffé d’air comme c’est le cas après chaque injection de la banque centrale.

L’injection est un véritable gaspillage des réserves de la banque centrale. Le taux n’est pas déterminé en fonction du rapport de l’offre et de la demande. La décision de la banque des banques consistant à injecter répétitivement des dollars en vue de stabiliser le taux ne résoudra pas le problème du taux de change qui est une situation beaucoup plus complexe. Cette démarche n’est qu’une politique accommodante, selon le point de vue commun de plusieurs spécialistes en économie.

Toutefois, les observateurs se disent inquiets vue qu’à chaque fois que le phénomène de l’appréciation de la gourde refait surface, l’année suivante le dollar s’est valorisé considérablement. Pour plus d’un, cette dépréciation n’est qu’une diversion politique, arguant que la dépréciation de la monnaie locale a une portée plus politique qu’économique, car les facteurs qui expliquent la hausse du taux sont toujours à l’ordre du jour : l’instabilité politique, la grande vague d’importation et l’économie spéculative, entre autres. Les observateurs souhaitent voir comment la BRH va procéder pour tenir la stabilité du taux de change comme elle veut le faire croire.

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